« […] En ce qui concerne la peinture que je fais, l’aventure a très exactement commencé en Octobre 1953, le premier jour de mon entrée dans une école d’art. […] Ce jour-là, nous avons eu ce que l’on appelle dans les écoles un « atelier de modèle vivant ». Une femme posait. Elle avait une soixantaine d’années. Elle était nue. J’avais dix-neuf ans. C’était la première femme nue que je voyais en vrai. J’étais bouleversé. J’imaginais ma mère, ma grand-mère… Comment, pourquoi des situations comme celle-ci pouvaient-elles exister ? Les professeurs pouvaient nous parler de proportions, de mise en page, de muscles ou de repères osseux, ce qui se passait, c’était totalement autre chose. J’étais bouleversé, mais également attiré, concerné au plus profond. J’avais l’impression que « cela me regardait ». […] »



Michel STEINER

Extrait d’un entretien avec Bernard VARGAFTIG pour la revue NU(e), Octobre 2007.


« Toutes ces toiles, tous ces dessins accumulés sur les murs de l’atelier m’ont fait prendre conscience qu’il y avait deux familles de peinture dans la relation au spectateur. Une peinture monocellulaire, face à face entre un tableau unique et la personne qui la regarde, et une peinture pluricellulaire, métazoaire, polyptyque : spectateur dans la peinture, et non devant. Spectateur comme on l’est dans la chapelle Saint Jean du Palais des Papes à Avignon, ou dans la chapelle Ronconi, à Florence, dans les Masacio. »



A rapprocher de ce que m’avait dit Claude Viallat un jour, dans l’atelier, et noté dans mon journal le 23 juillet 1991 :

… « Des espaces constamment renouvelés par l’apport d’une autre toile : grands formats, petits formats, techniques diversifiées : tout égale tout. Il faut que tu sois le militant d’un espace pictural renouvelé.

Je n’ai jamais vu cela.

La présentation est fondamentale. Exposer en faisant des murs, comme dans l’atelier. Ne pas ramener au tableau sacralisé… Toi, c’est le contraire de cela, c’est de « mise au mur » dont il s’agit. Une peinture qui n’est ni peinture de chevalet, ni peinture murale au sens ornemental du terme ».